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Poésie
Alba nova - éditions A fior'di carta juillet 2008
Parution juillet 2008
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Nouvelles et fragments
Recueil : Petites faiblesses humaines
Désir, ambigüité des sentiments, hypocrisie, cruauté...
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Journal d'une insulaire : JDI
Le quotidien d’une jeune corse, dans une famille névrotique.....
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Hors de l'espace et du temps
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La faille du Diable et compagnie
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Fusion

"Fusion… À prononcer avec l’accent, s’il vous plait… Fusion, c’est la mondialisation dans nos assiettes, version chic. Fusion, ça veut dire que nous avons le droit de picorer, de mélanger, de dépareiller, de cohabiter. Fusion, c’est la gastronomie à la carte. C’est tout un état d’esprit, une philosophie. Et pas qu’en gastronomie d’ailleurs. En politique, on picore à droite, on picore à gauche, on mélange bien, on saupoudre de démocratie participative, on pimente avec un extrême, et chacun crée son propre parti. La spiritualité n’est pas épargnée par la tendance fusion. On croit en Dieu mais on brûle de l’encens pour purifier les énergies de l’appartement, on discute avec son ange gardien et on travaille son karma en vue d’une prochaine incarnation… Il n’y a plus de règles, il n’y a plus de maîtres, exit les modes d’emploi. Voici les ingrédients, faites-en ce que vous voulez… ou ce que vous pouvez. Fusion, c’est ordonner les choses et le monde selon son bon vouloir, exactement l’inverse des vérités révélées. Fusion c’est se prendre pour Dieu. Pas étonnant que ça ait autant de succès.
Et puis c’est séduisant comme concept : les cultures se rencontrent, se mélangent, c’est esthétique, c’est bon, c’est tendance… c’est presque un symbole de tolérance et de fraternité.
Pourquoi je ne suis pas convaincue ? Pourquoi en écrivant cela, je me dis que décidément, quelque chose cloche ?
Peut-être parce que pour aller à la rencontre d’une culture, il ne suffit pas de picorer… Peut-être parce que la gastronomie, la musique, l’art, la littérature, la spiritualité, constituent un tout cohérent qui ne se résume pas à la somme de ses parties, peut-être parce qu’ils font sens sous un éclairage historique et contextuel qui lui-même n’est perceptible que lorsque toutes les pièces du puzzle sont en place…
Peut-être parce que manger du figatellu1 en carpaccio sur des blinis nappé de rassam2, même si c’est délicieux, même si c’est fusion, c’est surtout une hérésie. C’est à l’opposé de la rencontre culturelle. Dans la découverte culturelle, on se demande d’où vient le mot figatellu, on apprend qu’il est tiré d’un mot qui signifie « foie », on comprend donc qu’il est fabriqué à base du foie de porc tout juste tué, on découvre qu’il n’existe aucun mot en français pour traduire figatellu, pas plus que pour traduire rassam d’ailleurs, et on se laisse surprendre, emmener, transporter dans les montagnes corses par le rituel du figatellu cuit au feu de bois, et dont la mauvaise graisse tombe en crépitant dans les braises rougeoyantes.
L’assiette fusion est à l’opposé du partage et de la tolérance. C’est une dépossession. C’est une spoliation. C’est la mondialisation dans ce qu’elle a de plus terrible : la dépersonnalisation, la fusion des individus dans la masse. Fusion…"

1 Spécialité corse produite seulement de novembre à février (le reste de l’année il s’agit de contre-façons)
2 Sauce indienne à base d’épices et de tamarin, un fruit tropical dont le goût rappelle un peu le citron

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