À lire

Poésie
Alba nova - éditions A fior'di carta juillet 2008
Parution juillet 2008
Lire la totalité de l'article 1 ... et de l'article 2
Voir les extraits
Inédits

Nouvelles et fragments
Recueil : Petites faiblesses humaines
Désir, ambigüité des sentiments, hypocrisie, cruauté...
Lire la totalité de l'article
Voir les extraits
Premier prix du festival Escales hivernales de Lille
Fragments

Roman
Journal d'une insulaire : JDI
Le quotidien d’une jeune corse, dans une famille névrotique.....
Lire la totalité de l'article
Voir les extraits
Le journal du roman

Chroniques
Hors de l'espace et du temps
Un lundi sur deux, pour sortir ensemble des sentiers battus...
Lire toutes les chroniques

Scénario
La faille du Diable et compagnie
Écrire des scénarios est une autre façon d'écrire...
Lire la totalité de l'article
Lire tous les articles

_________________________________________________________



Journal d'un roman

J'ai décidé, il y a quelques mois, de m'atteler à la réécriture complète de mon roman Journal d'une Insulaire.
Pourquoi ? Parce qu'il le fallait tout simplement. Parce que je devais bien ça à mes personnages, et que lorsqu'on invente des gens, on a un devoir envers eux. Plusieurs devoirs même. Le premier, celui de les faire vivre. Le deuxième, celui de les rendre crédibles. Le troisième, celui de les rendre attachants, malgré ou à cause de leurs multiples défauts. Certains de mes personnages étaient manifestement mes chouchous alors que d'autres étaient livrés à eux-mêmes. Ce n'est pas digne d'un auteur. Mais il n'y avait pas que le problème des personnages.
Les retours du Comité de lecture (désormais fermé puisque je ne vais pas faire lire une version obsolète et que la nouvelle n'est pas encore disponible) étaient globalement très positifs (une seule personne n'a pas accroché du tout et quelques unes ont formulé des critiques constructives qui jalonnent aujourd'hui ma réécriture) et c'est justement ce qui a motivé ma décision de réécrire.
Je m'explique : si les lecteurs volontaires avaient accroché, aimé, pleuré à certains passages, eu du mal à lâcher le roman avant la fin, c'est qu'il y avait quelque chose à faire. C'est que ce roman-là méritait qu'on aille au bout. Il méritait du travail. Beaucoup plus de travail que je n'en ai fourni pour cette version-là. Un vrai travail de mineur, pour en garder la matière brute, puis de tailleur, pour lui donner une forme adaptée à son objectif, puis d'orfèvre, pour achever l'œuvre.
Sans blague ?
Mais il va me falloir dix ans !
Mes personnages méritent-ils un si grand sacrifice ?
Oui. Bien sûr que oui. Maintenant qu'ils sont là, c'est mon devoir de les porter au bout de l'aventure. Je suis contre l'avortement*. Il n'y a rien de plus terrible que des personnages avortés lâchés au milieu du gué, dans un tourbillon pareil à celui de la chasse d'eau. Je suis contre l'abandon. On n'abandonne pas une créature sans défense, un enfant, un animal ou un personnage de roman.
Alors donc, réouvrons le grand chantier. Et tant pis s'il n'y a jamais d'autre roman que celui-ci. Tant pis si, de réécriture en réécriture, il n'est jamais fini. Car le chemin est plus important que la destination.

Devant l'immensité de la tâche, je me suis tournée vers les aînés, les maîtres.
Remplie de gratitude envers leurs démarches de partage, les écrits où ils dévoilent techniques, astuces, manies d'atelier, je suis allée pêcher les outils adaptés à ma main, à ma plume, à ma sensibilité.
Ce qu'il y a de bien, avec les conseils des maîtres, c'est qu'on peut les écouter. Et ce qu'il y a de bien avec les conseils des maîtres, c'est qu'on n'est pas obligé de les écouter.

J'ai entre autres gardé trois outils :
1- Devenir le biographe de ses propres personnages (si, si, je leur dois bien ça)
2- Travailler le plan (ou la charpente si vous préférez)
3- Tenir le journal du roman en train de se faire.

1-
Le premier outil, je le conseille à tout le monde, quel que soit votre projet d'écriture. Il est précieux pour voir émerger, contrairement à toute attente et sous vos yeux ébahis, tout un réseau d'intrigues secondaires qui n'attendaient que le moment d'émerger au grand jour. Il est précieux pour prendre conscience de vos préférences totalement arbitraires pour letel ou latelle, au détriment de tel autre, recroquevillé sur lui-même comme une plante privée d'eau et de nourriture. Il est précieux pour rendre vos personnages attachants de votre propre point de vue, car c'est dans leur biographie que tout s'explique : leurs manies, leurs agacements, leur méchanceté, leur faiblesse. Tout devient lumineux à vos yeux, ce qui est un pas immense pour que ça le soit aussi aux yeux de vos lecteurs.

2-
Le deuxième outil est plus laborieux, plus technique, plus obscur aussi. Comme la charpente de votre toit, personne ne verra le squelette de votre roman (ce serait indécent et follement ennuyeux), mais s'il n'y a pas de charpente,ou si elle est défaillante, toute la toiture vous tombe sur la tête. Pareil pour le roman. Donc même si on a parfois l'impression de faire du sur place, de se transformer en simple manœuvre des mots, de poser des pierres l'une sur l'autre sans joie et plus du tout de bâtir une cathédrale, même si cela vous semble rébarbatif et, osons le mot, artificiel... C'est IN-DIS-PEN-SABLE.
La charpente s'articule autour de deux dimensions : horizontale et verticale. On appellera horizontale (c'est ma façon d'aborder la charpente ; lisez les maîtres, et ensuite faites votre propre recette !) celle qui concerne la progression de l'histoire, en un mot, le plan. Pouah ! Quel vilain mot ! On se croirait presque de retour à l'école. Et pourtant. Découpez votre histoire en chapitre, vos chapitres en sous-chapitres, vos sous-chapitres en mouvements, vos mouvements en paragraphes... Un plan détaillé est précieux pour voir si l'œuvre finale sera équilibrée et harmonieuse ou non. Il ne vous viendrait pas à l'idée de vous mettre à construire votre maison (sans parler d'une cathédrale !) sans en avoir au préalable dessiné les plans ? Ayez s'il vous plait le même souci pour votre roman. La dimension que j'appelle verticale, c'est la profondeur, liée à la thématique. Posez-vous la question : de quoi je parle dans ce roman ? Qu'est-ce que j'ai envie de dire sur un certain nombre de thématiques qui me tiennent à cœur ? Dégagez de tout ça un ou plusieurs thèmes qui seront comme des fils à plomb et qui viendront rythmer l'intrigue, non pas la plomber, mais l'ancrer, la stabiliser la rendre plus profonde. Ne dépassez pas 5 ou 6 thèmes, sinon votre lecteur n'aura jamais le temps de remonter à la surface prendre sa respiration avant de replonger dans le thème suivant, et vous allez littéralement le noyer.
Ensuite, comme en mathématique, on prend l'axe horizontal et l'axe vertical, et ça donne la courbe de progression du roman. À vous de déterminer les équilibres et les points de rupture qui vous plaisent, toutes les combinaisons sont permises... à condition de faire vos choix en conscience et non par défaut !

3-
Le troisième outil est à l'origine de ce message. Tous les maîtres, des plus proches aux plus lointains (dans toutes les acceptions de ces termes), le préconisent. D'abord parce qu'il permet de se donner des coups de pied au C... Ensuite parce que, la prochaine fois que vous serez en train d'écrire un roman, et d'en baver, vous pourrez vous replonger, en direct live, dans les affres du précédent, qui est là, en chair et en os si je puis dire, en encre et papier tout au moins, pour témoigner que vous en avez réchappé sain et sauf. Enfin, parce que les arcanes de la création sont mystérieuses même pour ceux qui en jouent et que ce décodage pourrait vous étonner vous-même, voire même vous permettre de modéliser pour d'autres créations vos processus personnels...

Donc, après avoir usé mes mains et mes yeux sur les deux premiers outils, j'ai été ramenée à l'écriture elle-même. Je sais plus de choses qu'avant sur mes personnages, et je sais à peu près coment ces choses s'inscrivent dans la progression de mon histoire et l'approfondissement de mes thématiques. Il ne me reste plus qu'à (oh le doux euphémisme) écrire les différentes scènes, la chair de tout ça, la nourriture du lecteur.

Et pour ne pas me perdre dans mon propre labyrinthe, le journal du roman en train de se faire me tient lieu de fil d'Ariane.

Comme, à ce rythme, il me faudra des années pour achever cette deuxième version, et que je suis bien certaine que vous ne m'attendrez pas si longtemps, j'ai décidé de partager avec vous ce processus de création en inaugurant cette nouvelle rubrique : Journal d'un roman.

Sachez déjà que Journal d'une insulaire est un titre provisoire et que le titre définitif aura quelque chose à voir avec le silence. Je ne suis pas encore fermement décidée alors vos suggestions sont les bienvenues.


Vous voulez connaître la progression de ce chantier, répondre avec moi à ces interrogations ?

Rendez-vous dans les autres articles de cette nouvelle rubrique...




-------------------
* Comprenons-nous bien : je ne suis pas idéologiquement contre l'avortement et j'estime que chaque femme est libre de disposer de son corps et de choisir l'espace-temps de ses grossesses. Je suis contre l'avortement à titre personnel, pour ce qui me concerne individuellement.

1 commentaire:

norbert paganelli a dit…

Ce que je viens de lire est remarquable, oui vraiment remarquable. je me demande Hélène si à côté de ton roman ne va pas surgir une sorte de méta-roman qui va expliquer, non seulement l'oeuvre à laquelle elle se réfère, mais aussi le processus de production d'une oeuvre en train de se construire.
Il faut que tu conserve à ce méta-roman un aspect brut, un peu come un carnet de voyage....afin que le lecteur ait un peu de place pour y déposer ses propres souvenirs...
Restons en contact Hélène et bon courage...Je sais que tu en as mais on n'en a jamais assez !

Je t'embrasse
Norbert