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Poésie
Alba nova - éditions A fior'di carta juillet 2008
Parution juillet 2008
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Recueil : Petites faiblesses humaines
Désir, ambigüité des sentiments, hypocrisie, cruauté...
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Journal d'une insulaire : JDI
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Extrait : Jeu N°4 - Ombre et lumière -86

86.

L’Église était vide. Parfait. Madeleine détestait croiser des gens dans les églises quand elle avait besoin, elle, de faire le vide. Vide, Dieu merci. Silencieuse aussi. De ce silence immense qui vous écrasait de sa puissance vibratoire. De ce silence si présent qu’il semblait se matérialiser au coin de l’œil, en une volute, une forme, un mouvement furtif. De ce silence pénétrant qui rendait la frontière de la chair poreuse et qui finissait par vous habiter, par vous posséder. Alors, le silence et le vide pouvaient se faire aussi à l’intérieur. Et tout s’éclairait.

Madeleine alluma un cierge et sursauta intérieurement quand les deux scènes se superposèrent dans son esprit. Isis allumant sa chandelle. Madeleine dans cette église. La bougie, la lumière. Le geste et l’intention étaient tellement semblables, se pouvait-il que dans un cas ce soit blasphème et dans l’autre sacré ? Sa main tremblait un peu quand elle piqua le cierge sur une des pointes laissées libres, au milieu d’autres cierges allumés. Elle se sentait coupable. Elle demanda pardon. Elle l’avait déjà fait tant de fois. Elle se sentait toujours tellement coupable. Peut-être n’aurait-elle pas du se prêter à la mise en scène d’Isis. Peut-être avait-elle offensé le Dieu de sa grand-mère. Peut-être avait-elle peiné sa grand-mère.

Elle regarda la bague qui continuait à briller, dans le reflet des bougies, de son éclat mystérieux, serein et durable. C’était rassurant.

Elle demanda tout haut :

- Ta lumière est-elle partout ? Ai-je eu tort ?

Elle fixait intensément la bougie, plus rien n’existait que sa lumière, et elle ne sursauta même pas lorsque la voix enveloppante et chaude vint frapper à son oreille.

- Que te dis ton cœur ? Crois-tu qu’il puisse y avoir plusieurs sortes de lumière ? La lumière est la lumière. Peu importe comment elle arrive jusqu’à tes yeux. Elle provient à chaque fois d’une unique Source.

Et soudain, le silence s’était mis à vibrer différemment dans l’Église. Quelque chose bruissait doucement, comme une aile de papillon. Le silence était toujours immense, mais au lieu de descendre pour écraser votre poitrine, il vous prenait sur son aile et vous soulevait. Il vous élevait. Et dans ce silence qui transportait, les mots dansaient autour de Madeleine comme des fils de soie, et lui tissaient un cocon. Un cocon de lumière.

Comme toujours, il y avait sa voix d’abord. Et ensuite, lui. Sa blondeur aux reflets changeants, comme si ses cheveux étaient doués d’une vie propre. Sa démarche légère. Ses yeux limpides. Ses vêtements d’un autre âge. Elle lui sourit tendrement. Elle s’étonna à peine :

- Comment fais-tu pour savoir toujours quand j’ai besoin de toi ?

Il lui sourit en retour.

- Pourquoi t’inquiètes-tu donc toujours tellement ?

- J’ai peur de mal faire. J’ai peur de me tromper.

- Écoute ce que tu dis. Se tromper. Cela ne veut pas dire faire une erreur. Cela veut dire se mentir à soi-même, se trahir, s’illusionner. Là où est la lumière, il est impossible de se tromper.

- Mais où est-elle ?

- Me diras-tu que tu ne sais pas faire la différence entre la lumière et l’obscurité ?

- Si, bien sûr que si, mais…

- La lumière est UNE. À chaque fois qu’une lumière s’allume quelque part, l’obscurité recule. J’en suis sûr.

- Tout est toujours si clair avec toi… C’est tellement bon de t’avoir près de moi, de pouvoir te parler… Jure-moi que tu ne me laisseras jamais !

- Jurer, c’est se prendre pour Dieu.

- Pardon…

- Tu vois, tu t’excuses encore !

Et ils se mirent à rire ensemble. Et leur rire faisait comme des notes de cristal sur la portée du silence.

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