Marie-Pat est une victime, parce que.
C’est son choix. Il n’y a pas d’autre réponse à la question pourquoi que parce que.
L’important n’est pas dans le pourquoi, mais dans le comment. C’est ce que la psychanalyse n’a pas compris. Le contenu n’est que matière inerte, illusion. Seul le processus fait sens. Marie-Pat, Dadie, des contenus dérisoires, figés chacun dans leur particularité, aussi peu intéressants que la peau du serpent après la mue, conséquences tellement prévisibles d’un processus identique : l’abandon du pouvoir.
Elle se tourne, le manche entre les deux mains, se laisse effleurer par une pensée érotique, verse le café dans la tasse de Marie-Pat et tente, sans se faire d’illusions :
« Ne lui montre pas ton désir, tiens-lui la dragée haute… Le désir est comme une danse, si tu avances, l’autre recule… Ou comme la pêche à la ligne. Tant que ça ne mord pas, il ne faut ni bouger, ni faire de bruit, laisser le poisson se croire à l’abri de tout danger, le laisser venir, s’approcher. Et quand ça mord, il faut ferrer.
- Je ne dois pas l’appeler alors ?
- Non tu ne dois pas l’appeler, répond-elle patiemment en sachant très bien que c’est peine perdue
- Et si je lui écrivais ?
- (soupir) Pour lui dire quoi ? Tu ne ferais que renforcer sa position. Tu en as assez fait. Laisse-le revenir à toi.
- Tu crois que sa femme est au courant ?
- Tu crois que c’est la première fois qu’il va voir ailleurs ? Ne sois pas naïve ! tranche-t-elle avec une pointe de cruauté qui, il faut bien le reconnaître, l’excite un peu.
- Qu’est-ce que tu ferais, toi ?
Elle a un sourire carnassier. Ses lèvres s’amincissent encore.
- Moi, ce n’est pas pareil : c’est moi qui joue ! Je ne suis jamais l’objet des hommes, c’est moi qui mène la danse. Je ne leur laisse pas le choix.
Un silence s’installe, chargé de l’odeur du café, chargé de la sensualité en creux, émanant de tous les espaces laissés vierges entre les mots, chargé de l’admiration de Marie-Pat, de son désir de ressembler à cette femme idéale qui est assise en face d’elle, jambes croisées, jupe fendue, belle, forte, féminine et tellement sûre d’elle. Par comparaison, Marie-Pat se sent tellement grossière, si peu femme, si imparfaite, tellement incapable de gérer sa vie… Marie-Pat éprouve des sentiments confus, un mélange de désir et de haine…
Stasie sent le regard de Marie-Pat se poser sur elle, presque indécent. Cela ne la trouble qu’à peine. Hommes ou femmes, elle aime ce moment de domination absolue où la proie s’offre d’elle-même, comme une chienne qui se couche sur le dos. Et ce qu’elle aime par dessus tout, c’est refuser cette offrande qui n’a pas été conquise, repousser la chienne d’un coup de pied, sans se préoccuper de son regard implorant, de ses oreilles rabattues. Marie-Pat lui pose une main sur la cuisse, l’air de rien mais le regard intense, et sous l’étoffe satinée du bas, une chaleur se diffuse. Elle se lève. Marie-pat reprend sa main, la tient comme si ce n’était pas la sienne, comme si elle ne savait pas quoi en faire. Stasie lui tourne le dos. Marie-Pat regarde la courbure de ses reins. Stasie dit :
- Ce n’est pas à l’extérieur que tu trouveras les réponses. Ta fuite en avant reste une fuite. Demande-toi d’abord ce que tu veux vraiment…
Marie-Pat n’a rien compris de ce qu’elle vient de lui dire. Elle n’a même pas entendu. Elle pense à Pierrot. Elle a envie de le tuer. Ou de tuer sa femme. Ou de le posséder. Ou de posséder sa femme. C’est pareil.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire