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Poésie
Alba nova - éditions A fior'di carta juillet 2008
Parution juillet 2008
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Nouvelles et fragments
Recueil : Petites faiblesses humaines
Désir, ambigüité des sentiments, hypocrisie, cruauté...
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Journal d'une insulaire : JDI
Le quotidien d’une jeune corse, dans une famille névrotique.....
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Hors de l'espace et du temps
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La faille du Diable et compagnie
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Jeu 7 - Les illusions perdues - 139


- Tu te souviens de ce tirage il y a un mois ?

Isis lui jeta un coup d’œil interrogateur. Non elle ne se souvenait pas, elle ne risquait pas. D’abord elle tirait les cartes presque tous les jours, pour elle-même ou pour d’autres, et les séances finissaient par se mélanger dans sa mémoire, et puis, de toute façon, quand elle faisait un tirage à quelqu’un, elle entrait dans une sorte de transe, un « état non ordinaire de conscience », avait-elle lu quelque part, ENOC, et cette acrostiche lui plaisait. Quoiqu’il en soit, cet état de conscience modifiée lui permettait d’être parfaitement lucide, et de se souvenir de ce qu’elle faisait, de ses gestes, du contexte général, mais quant au contenu des messages délivrés… Le consultant avait intérêt à prendre des notes ou à être doté d’une bonne mémoire !

- Mais oui : le pendu ! insista Madeleine

Ha oui. Évidemment. Elle s’en souvenait. Elle pleurait rarement en tirant les cartes à quelqu’un d’autre. C’était vraiment une séance bizarre et elle n’avait pas envie de parler de ça.

- Eh bien quoi ? demanda-t-elle agacée

- Tu sais ce que je crois ?

Isis soupira. Non elle ne savait pas ce qui était en train de traverser la cervelle trop remplie de son amie. Non elle n’avait pas envie de jouer aux devinettes. Crache ton morceau.

- Je crois que c’était pour toi. Je crois que c’est toi qui as des choix à faire. Et d’après ce tirage, je crois que tu ferais bien de ne prendre aucune décision hâtive…

Et c’était tellement juste qu’Isis fût traversée à la seconde par une multitude de sentiments contradictoires. Frissonnante, glacée et fiévreuse, illuminée par l’évidence de l’interprétation, et très, mais alors vraiment très en colère contre Madeleine qui énonçait cette vérité avec son ingénuité habituelle, sans avoir conscience des dégâts provoqués.

Elle poursuivait son raisonnement de la façon la plus tranquille :

- Tu vois par exemple, pour la proposition de ton père…

Isis l’interrompit en faisant un effort surhumain pour ne pas hurler :

- Mais vraiment… N’importe quoi ! S’exclama-t-elle avec un geste de mauvaise humeur. D’où tu te prends pour une voyante toi maintenant ? Tu ne trouverais pas un verre d’eau dans la mer et tu viens me dire à moi ce que MES cartes disent ? Non mais tu délires ! Et … NE ME PARLE PAS DE MON PÈRE !

- Mais… Ne t’énerve pas, je…

- JE NE M’ÉNERVE PAS ! Elle se maîtrisa et reprit un peu moins agressive : écoute la voyance, ça ne s’improvise pas. C’est du travail, de l’expérience, une sensibilité qui s’affine au fil des tirages. Je reconnais que tu as de l’intuition et si tu étais moins… naïve disons, tu aurais certainement un potentiel intéressant… Mais là tu te plantes ok ? Tu te plantes complètement.

Madeleine battit en retraite.

- D’accord, si tu le dis, marmonna-t-elle en haussant les épaules.

Et pour la première fois, Isis vit Madeleine bouder. Et pour la première fois, elles ne surent pas comment souffler sur les nuages. Ni l’une ni l’autre. Et pour la première fois, le silence qui s’étirait entre elles semblait pianoter sur leur peau, de ses doigts glacés, un air funèbre.

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