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Poésie
Alba nova - éditions A fior'di carta juillet 2008
Parution juillet 2008
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Nouvelles et fragments
Recueil : Petites faiblesses humaines
Désir, ambigüité des sentiments, hypocrisie, cruauté...
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Premier prix du festival Escales hivernales de Lille
Fragments

Roman
Journal d'une insulaire : JDI
Le quotidien d’une jeune corse, dans une famille névrotique.....
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Le journal du roman

Chroniques
Hors de l'espace et du temps
Un lundi sur deux, pour sortir ensemble des sentiers battus...
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Scénario
La faille du Diable et compagnie
Écrire des scénarios est une autre façon d'écrire...
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jeu 7 - Les illusions perdues - 145

La réunion traînait en longueur. La table était en U et Marie-Charlotte, placée sur le même côté que Paul, était hors de vue. Tout juste apercevait-il ses avant-bras et ses mains, fines et longues, parées d’or et de brillants. Marie-Charlotte étincelait. En toutes circonstances elle faisait éclater sa beauté. Ses cheveux blonds accrochaient juste ce qu’il fallait de lumière, son teint délicat donnait toujours l’impression qu’elle sortait d’un institut de beauté et les bijoux qu’elle choisissait avec le goût de ceux pour qui l’argent ne compte pas sublimaient ses toilettes. Marie-Charlotte était solaire. Et elle l’était avec tant de naturel, dans les instants les plus ordinaires, Marie-Charlotte apportait tant de grâce et de féminité, que le temps semblait s’ouvrir sur ailleurs.

Il lorgna de nouveau sur ses avant-bras délicats et ses poignets fins. Des bracelets les soulignaient, des bracelets discrets et rayonnants… Une vision vint se superposer à cette image de paradis et il secoua la tête, comme agacé. Anastasia cachait sa cicatrice derrière un écran de bracelets fins multicolores, solidaires les uns des autres. Il s’en souvenait parfaitement. Une cicatrice en forme de S irrégulier qui avait longtemps hanté ses nuits. Une cicatrice qui avait fait basculer son enfance. Il ne voulait pas penser à ça maintenant ! Il essaya de se raccrocher à la vision de lumière du bras de Marie-Charlotte. Mais les bracelets tremblaient et un serpent se gravait malgré lui sur la peau, à la pointe d’un couteau de chasse comme ils en avaient tous, son couteau de chasse à lui. Et le sang perlait et ses yeux s’agrandissaient d’effroi. Non ! Elle ne pouvait pas faire ça ! Elle le faisait… Elle ne regardait même pas son bras. Elle le fixait lui avec une détermination glaciale et une étincelle de démence dans le regard. Les autres garçons de la bande arrondissaient leurs bouches également. Trois d’entre eux détalèrent avant la fin. Le plus petit se mit à sangloter. Le gros Pierrot fit quelques pas avant de vomir son petit-déjeuner. Paul soutint ce regard jusqu’au bout. Sa main à elle ne trembla à aucun moment. Et quand vint son tour à lui… Il reprit son couteau de chasse et elle ne semblait pas même sentir la douleur. Elle ne tremblait pas. Indifférente au filet de sang qui faisait comme un toile sur son bras avant de goutter lentement à leurs pieds, son air de défi disait clairement « allons, voyons de quoi tu es capable ».

Il ne voulait pas de ce souvenir là maintenant ! Il ferma les yeux pour essayer d’imaginer Marie-Charlotte, renversée en arrière, gorge offerte, cheveux défaits. Mais ce fût pire. Sa silhouette se mua de nouveau en serpent. Et le serpent de sang séché devenait noir. C’était son tour. Il appuyait la lame sur l’intérieur de son avant-bras, juste à la base du poignet, pour faire comme elle. Il appuya un peu plus. Il trembla. Il savait déjà qu’il avait perdu. Il étouffait…

JE NE PEUX PAS LE FAIRE ! Tous les regards étaient tournés dans sa direction. Le silence rôdait autour de lui comme un vautour. Il réalisa avec horreur qu’il avait presque crié, au beau milieu d’une réunion officielle. Pâle et tremblant, il se leva.

- Je… Excusez-moi je… Je crois que j’ai besoin d’air…

Et il était tout à fait crédible, il avait l’air de ce qu’il était : effrayé et perdu, au bord du malaise… Marie-Charlotte ne leva pas les yeux de son dossier. Il comprenait sa discrétion, mais il ne put s’empêcher de lui en vouloir de son manque de sollicitude… Il avait besoin d’elle putain ! C’était si difficile à comprendre ? Qu’ils aillent tous se faire foutre ! Il quitta la réunion avec toute la dignité dont il était capable. Mais il n’en avait pas fini avec ses souvenirs…

Il jeta le couteau à terre et s’enfuit. Et pour la première fois dans l’histoire du village, la bande des garçons eurent à leur tête… une fille ! Anastasia garda le couteau. Ce fût son premier butin. Son premier « présent volontaire ». C’était ainsi qu’elle appelait les objets que les garçons devaient lui amener quand elle le leur ordonnait…

Paul jeta l’éponge. Il ne parviendrait pas à se débarrasser de ses vieux démons maintenant qu’ils avaient été libérés… Il fallait tricher. Il avait juste besoin de trois choses : le silence de son antre comme un cocon de soie, l’ambre du whisky pour accompagner l’oubli, les vibrations légères de la plume sur le papier.

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